Inauguration de l'Allée du 5 juillet 1962

Inauguration de l'Allée du 5 juillet 1962

5 Juillet 1962 - 5 Juillet 2022 : 60 ans après les massacres d'Oran, la Ville de Camaret a rendu officiellement hommage aux victimes françaises longuement oubliées à l'occasion de l'inauguration de l'Allée du 5 Juillet 1962 samedi dernier.
 
Cet hommage avait commencé dans un premier temps par une commémoration au cimetière de Violès, qui s'en est suivie par l'inauguration officielle de l'Allée du 5 juillet 1962 puis par un banquet patriotique à Camaret.
 
Retrouvez le discours de Monsieur le Maire Philippe de Beauregard :
 
« Mesdames, messieurs, chers amis,
 
Tout d’abord, permettez-moi de remercier les personnalités suivantes pour leur présence :
Hervé de Lépinau, député de la 3ème circonscription du Vaucluse,
Jean-Baptiste Rolland, collaborateur de Marie-France Lorho, député de la 4ème circonscription de Vaucluse,
Catherine Rimbert, conseillère régionale de PACA,
Florelle Bonnet et Jean-Claude Ober, conseillers départementaux de Vaucluse
Vincent Faure, maire de Sainte-Cécile-les-Vignes,
Jean-François Collin, ancien charismatique président de l’ADIMAD
Pascal Gill, président de l’ACPG - CATM - OPEX Camaret/Travaillan
Jean-Claude Prieto, président de l’association Violès Mémoire Souvenirs
Jean-Claude Tibere
Armand Beguelin
Les représentants du Cercle Algérianiste
Les représentants des communautés Harkis et de leurs familles disparues
 
Je salue également les nombreux représentants des associations patriotiques et leurs porte-drapeaux qui nous font l’honneur de leur présence aujourd’hui à Camaret.
 
Chers amis, je commencerai mon allocution par une citation de Georges-Marc Bénamou, qui écrivait en 2003 : « les massacres du 5 juillet d’Oran semblent être un évènement clandestin, discutable, fantasmé, dont seuls les survivants se repassent le souvenir. (…) Pas une plaque, nul hommage de la République. »
 
Le 5 juillet 1962 restera la date d’une tragédie pour les Français installés en Algérie lorsqu’elle était française. Une partie importante de la population française a été victime de d’exactions actroces ce jour-là.
 
Le 5 juillet 1962 il reste à Oran, environ 100 000 Français.
 
Les accords d’Évian du 18 mars 1962 ont fixé la date du cessez-le-feu au 19 mars entre le FLN et la France et le principe d’indépendance de l’Algérie.
 
À compter de cette date, le massacre de harkis abandonnés par la France débute : enlèvements d’hommes et de femmes et même d’enfants, contraints de traverser des quartiers musulmans pour se rendre à leur travail, se multiplient faute de patrouilles militaires.
 
Car dès le lendemain de la signature de ces funestes accords, Boumedienne, Ben Bella et l’état-major de l’ALN, bras armé du FLN algérien, décident de ne pas les appliquer car ils sont hostiles à la présence européenne en Algérie.
 
Dès lors, la population civile française terrorisée comprend la fragilité de son statut défini par les accords d’Évian, son manque de protection, dont la seule issue est l’exode massif en métropole. Pour les européens et les Juif d’Algérie, c’est le moment de choisir : « la valise ou le cercueil ».
 
Si l’exode s’organise, celui-ci est très vite ralenti, faute de moyens suffisants, terrestres et aériens, pour assurer le retour sur la métropole de toutes les familles, qui, effrayées par les exactions, tentant de fuir un territoire qu’elles ont aimé. En métropole, ces familles n’étaient pas les bienvenues à Toulouse, Sarcelles ou Marseille : « Que les pieds-noirs aillent se réadapter ailleurs » disait ainsi Gaston Defferre, maire de Marseille.
 
Le 3 juillet 1962, après le référendum organisé en Algérie quelques mois auparavant, le Général de Gaulle reconnaît officiellement l’indépendance de l’Algérie et le transfert de la souveraineté à l’exécutif provisoire algérien.
 
La proclamation de cette indépendance est prévue pour le 5 juillet, date du 132ème anniversaire de la prise d’Alger par les Français en 1830.
 
Cette journée sera une journée dont l’histoire restera à jamais écrite avec le sang d’innocents, lynchés sur la place d’armes d’Oran, tués à coup de fusils ou de couteaux.
 
Les témoignages recueillis sont accablants ; les chiffres varient de quelques centaines à quelques milliers de victimes.
 
À la douleur des souffrances vécues, s’est ajoutée au fils des ans, la douleur de l’inacceptable oubli de ce massacre.
 
Certains, pourtant, se sont élevés pour que les Français d’Algérie, sacrifiés à des dessins politiques, ne le soient pas par l’indifférence qui confine à la négation des faits.
 
Les faits concernant le massacre d'Oran sont donc assez documentés pour être reconnus par la France, sans nécessiter la mise en en place d'une commission mixte franco-algérienne d'historiens sur le sujet comme le propose le récent rapport de Benjamin Stora, hormis si les autorités algériennes consentent à s'associer à ce travail de mémoire, notamment pour localiser l'emplacement des dépouilles.
 
Ce carnage continue à interpeller sur les raisons d'un silence aussi assourdissant, qui sans minimiser la responsabilité des tueurs algériens, oblige d'abord à reconnaître l'inaction volontaire et organisée des forces armées françaises, qui sont restées calfeutrées dans leurs casernes alors qu'elles étaient capables d'empêcher ou de réduire considérablement les massacres. Personne ici n’oubliera l’inaction du général Katz et de la gendarmerie qui avaient pour ordre ne pas intervenir.
 
L’historien Jean-Jacques Jordi, dans son livre « Un silence d’État : disparus civils et européens de la guerre d’Algérie » retrace les évènements de ce 5 juillet 1962, où hommes, femmes, enfants furent lapidés, égorgés, torturés, sur la place publique, sans que l’armée française n’intervienne pour les sauver.
 
Il souligne que les tragiques événements d’Oran, longtemps passés sous silence ou minimisés, détiennent le triste record du nombre de victimes de la guerre d’Algérie en un même lieu et à une même date. Enfin, l’ambassade de France a encore comptabilisé un nombre non négligeable de disparitions jusqu’au 30 septembre 1963.
 
Reste l’État français, qui a fait sienne une théorie fort connue en psychanalyse : « ce qui n’est pas dit, n’existe pas ». Si nous pouvons cependant nous réjouir des dernières déclarations du Président de la République en janvier dernier lorsqu’il a dit reconnaitre ces massacres devant un parterre de rapatriés reçus à l’Elysée à quelques semaines des élections, n’oublions pas les paroles qu’il avait tenues en 2017 : « la colonisation de l’Algérie était un crime contre l’humanité ».
 
D’ailleurs, si l’on parle de « crime contre l’humanité », comment qualifier une politique délibérée, organisée, planifiée, d’exactions systématiques contre les Européens et contre les Algériens pro-Français, une politique menée par le nouvel Etat indépendant ? Il s’agissait bien d’une épuration ethnique, les indépendantistes algériens ayant refusé par la violence une société multi-ethnique en Algérie – cette société multi-ethnique que l’on veut nous imposer aujourd’hui en France.
 
Ce massacre collectif, rendu possible par une passivité coupable au plus haut niveau de l’État a volontairement été occulté par les protagonistes qui n’avaient aucun intérêt à dire la vérité.
 
Il est temps enfin, que la République française honore les victimes innocentes dont le seul tort fut d’être français, ou d’avoir servi la France le 5 juillet 1962 à Oran. Bien qu'absorbés et totalement assimilés, vous, pieds-noirs et harkis, chers compatriotes, vous n'avez pas abandonné votre identité façonnée au fil des ans par la terre, la poussière, la chaleur d'un pays difficile mais aussi par les larmes et le sang d'une terrible tragédie.
 
J’en profite pour saluer notre ami pied-noir et nouvellement député des Bouches-du-Rhône, José Gonzalez, pour son discours rempli d’émotion qu’il a délivré mardi dernier lors de l’ouverture de la XVIème législature de l’Assemblée nationale, qu’il avait l’honneur de présider. Né à Oran le 28 avril 1943, il a lui aussi vécu les horreurs de cette guerre et son exode en métropole en 1962. Son discours digne et républicain, a été applaudi par un large nombre de députés de tout bord politique, hormis par quelques islamo-gauchistes qui ont voulu créer une polémique qui n’avait pas lieu d’être.
 
Aujourd’hui, à quelques jours des 60 ans de ces massacres, je suis très heureux et très ému d’inaugurer officiellement cette plaque de l’allée du 5 juillet 1962 dans notre village de Camaret en souvenir aux nombreuses victimes, à leurs familles et à leurs amis. C’est la deuxième rue en France à être dénommée ainsi, après celle de Beaucaire, inaugurée par mon excellent collègue et ami Julien Sanchez.
 
Il faut mettre un terme au silence assourdissant qui entoure le massacre de Français à Oran le 5 juillet 1962. L’apaisement des relations franco-algériennes et la nécessaire coopération entre les deux États passent inévitablement par cette recherche de vérité de part et d’autre de la Méditerranée.
 
Désormais, il n’est plus possible de dire : « Je ne savais pas ».
 
Merci pour votre attention. »
 
Album photo à retrouver sur la page Facebook de la Ville de Camaret.